Voyage en Loire

Parmi les joncs, dans l'herbe, un cristal qui scintille.

Elle est née. Vierge et pure, des schistes elle est la fille

Déjà balbutiant.


Timide ruisselet, sous la mousse elle murmure,

Dispensant aux graviers, miroitante parure,

De l’eau vive le chant.


Elle s'éveille au grand jour. Elle hésite un instant

D'un plan d'eau prisonnière, puis elle prend son élan

et va s'aventurant.


Ru menu puis ruisseau, elle dévale les pentes,

bondit de roc en roc en cascades ardentes

Et se gonfle en torrent.


La Loire aux pieds des monts impétueuse écume

Et roule puissamment les eaux portant la grume

Arrachée aux volcans.


Et c’est, soudain calmée, un fleuve assagi

Qui traverse des plaines avant d’avoir choisi :

La mer ou l’océan ?


La Loire alors s’endort aux flancs du sable blond

Qu’elle étreint en ses bras en un amour profond,

Sous des cieux consentants.


Opulente et coquette elle pare ses coteaux

De l’écrin de ses vignes, de l’or de ses châteaux,

Comme autant de joyaux.


Elle flâne tourangelle et caresse angevine

La pierre, le tuffeau, qui la parant, divine,

Se mirent en ses eaux.


Elle baigne un court instant des berges portuaires

Avant de se donner en un long estuaire

Au sel et aux roseaux.


Puis en mouvants reflets, sous les lourdes paupières

Que font à ses rivages de paisibles vasières,

La Loire en un voyage qui touche à sa fin,

Se mêle à l’Atlantique et s’y noie de chagrin.